Je m’appelle Morgane, j’ai 41 ans…
J’ai depuis toujours désiré un enfant.
Mon rêve était de fonder une famille avec une femme que j’aimerais et qui pour moi serait égale concernant les droits et les devoirs par rapport à cet enfant. Je me voyais avec un p’tit bout, avec ma p’tite femme et notre amour plus fort que tout…Je me voyais fonder une famille entourée d’amour, une famille avec 2 mamans et l’amour de notre enfant…
Ce n’était pas un caprice que de désirer un enfant, c’était une envie, un désir de donner la vie, d’être mère et de partager avec ma compagne ce bonheur…Mais du rêve à la réalité, la route est longue, chaotique, difficile, parsemée de morceaux de verre pointus qui vous coupent à chaque pas les pieds….
Avec ma première compagne, j’ai essayé quand j’avais 20 ans avec un donneur par insémination artisanale : échecs sur échecs, tristesse, déception…
Les années ont passé : séparation, case départ…
Une nouvelle vie, un nouvel amour et toujours cette envie forte en moi d’avoir un enfant qui ne me quitte pas…
Je réitère avec ma nouvelle compagne par insémination artisanale. Au bout de 3 mois le type nous lâche…
J’ai alors 35 ans. La recherche d’un nouveau donneur m’épuise : expliquer, réexpliquer que ce sera sans rapport sexuel. Je fais le tour de mes connaissances masculines, ceux qui ne refuseront pas me diront : « je suis ok mais on fait ça naturellement »…Naturellement, mon corps le refuse, je ne peux pas, c’est impossible. J’ai épuisé mon carnet de connaissances…
Alors je me tourne vers la Belgique : une clinique accepte de pratiquer une insémination. Il n’y a, à cette époque, pas d’attente mais je dois suivre un protocole de stimulation ovarienne : piqûres dans le ventre, échographie tous les 2 jours, puis quand le follicule atteint sa taille, coup de fil à la clinique pour prévenir que c’est ok..
Je suis heureuse, je me mets à y croire, ma compagne jusque-là motivée commence à me délaisser totalement. Ce désir d’enfant, l’envie de donner la vie prend le dessus. Je suis maintenant seule à affronter cette aventure…
La dernière échographie montre 3 follicules assez mûrs pour pratiquer une insémination, ces 3 follicules sont comme des bébés, sur les 3 je sais qu’il y aura mon enfant. J’ai les larmes qui me montent aux yeux, je suis comme dans un rêve… Coup de fil à la clinique, j’ai 36 heures après la dernière piqûre pour me rendre en Belgique…Bruxelles, la Belgique, la clinique, j’y suis enfin…La salle d’attente se remplit à vue d’œil, je regarde ces femmes seules ou en couple. On m’appelle, c’est enfin mon tour. La dame qui va m’inséminer est celle qui m’avait reçue avec mon amie… »Alors vous avez un follicule de mûr? » Oui j’en ai trois.
« Trois! Mais vous vous rendez compte trois! Je ne veux pas trois follicules mais un, je ne vais pas vous inséminer, je n’en veux qu’un! Ah vous les Françaises et vos gynécologues, vous ne comprenez rien! »
La terre s’écroule sous mes pieds, je me mets à pleurer, elle a la fiole d’insémination dans la main, je la supplie de m’inséminer lui disant que sur les trois, tous ne marcheront peut- être pas…Elle ne veut rien savoir…En partant je regarde une dernière fois la salle d’attente pleine et je me dis que l’une d’elle portera mon enfant…
Sur le chemin du retour, je n’arrête pas de pleurer, je me sens humiliée, rabaissée…Après toutes les prises de sang subies, tous les examens, les piqûres, les échographies, je me sens honteuse!
Je téléphone à mon amie : « je rentre, tu seras la pour me prendre dans tes bras ? » « Non je ne serai pas là. » « Mais j’ai besoin de toi, moi! »
Quand j’arrive chez moi, il n’y a personne, le calme, le vide et la douleur…Je me rappelle d’un type qui me draguait…Je lui téléphone : accepterais-tu d’être mon donneur? Le type me dit « oui » « Sida etc c’est ok? » « Oui pas de soucis… » Je lui précise qu’il ne me touchera pas, il est ok aussi…Après avoir prévenu ma meilleure amie de l’endroit où j’allais me trouver et lui avoir donné toutes les coordonnées du donneur, je me suis pointée chez lui vers 19 h… Je lui ai tendu un magazine genre Play Boy avec des superbes nanas… Il m’a dit qu’il voulait me voir nue, que sinon il ne pourra pas… Me voici dans sa piaule à me mettre nue devant lui, je lui tends le flacon et lui dit : n’oublie pas de mettre dans ce flacon ta semence…Je me dégoûte mais dans ma tête je pense à cette dernière piqûre et ces 36 heures…Il ne me reste plus que quelques heures…Pendant qu’il fait son affaire, je pense à ma compagne…Si elle avait était là, si elle m’avait prise dans ses bras, si elle m’avait juste réconfortée, je ne serais pas là, nue devant ce type…
Quelques jours plus tard…Mes règles sont arrivées…
Si la PMA avait été autorisée en France, toute cette histoire ne se serait jamais passée. Si la PMA avait été autorisée, je ne serais pas allée voir une psy en lui disant : je me dégoûte, je suis une moins que rien!
J’ai aujourd’hui 41 ans et les chances d’avoir un enfant s’amenuisent considérablement et je sais bien que malheureusement pour les nanas de plus de 40 balais, nous n’aurons pas le droit à la PMA, Cependant j’espère que la PMA verra le jour pour éviter à des tas de femmes de faire n’importe quoi et se retrouver devant une psy à lui dire : je me dégoûte!
Ce témoignage ne demande pas de jugement, il ne sert que de reflet à ce qui ne se voit pas, une pierre dans l’édifice pour toutes ces femmes seules ou en couple qui désirent un enfant…Ce désir que beaucoup vivent de l’intérieur avec toute cette souffrance et les non-dits…
Morgane
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